Kai-Lan GUERRE RUSSIE-UKRAINE – Quels impacts sur le marché bio européen ?

GUERRE RUSSIE-UKRAINE – Quels impacts sur le marché bio européen ?

17 mars 2022

Alors que les impacts de la guerre sur le commerce agricole et agroalimentaire mondial sont bien mis en évidence par de nombreux analystes, on peut encore s’interroger sur ce qu’ils seront, spécifiquement, sur le commerce des produits biologiques.

En 2020, la crise sanitaire et les différents confinements semblent avoir été plutôt bénéfiques au secteur, comme le met en évidence le dernier rapport du FIBL et de l’IFOAM The World of Organic Agriculture – Statistics and Emergency Trends 2022.

En revanche, l’année 2021, a été beaucoup plus mitigée.

Les produits « plant-based » ont concurrencé les produits bio et impacté les ventes de viandes bio.

La baisse du pouvoir d’achat des consommateurs aura, par ailleurs, « profité » aux autres labels tels que le Zéro résidu de pesticides ou l’HVE.

Si on connait l’importance des origines Mer noire en conventionnel (CRISE UKRAINIENNE – repositionnement des flux de céréales), quelle est-elle dans les approvisionnements bio ?

D’après les chiffres les plus récents communiqués par la Commission Européenne dans sa note de marché du mois de juin 2021 – « EU imports of organic agri-foods products – Key developments in 2020 », avec 217 000 tonnes, l’Ukraine représentait 8% des volumes totaux de produits agroalimentaires biologiques importés par l’UE en 2020.

La Russie, quant à elle, avec environ 32 000 tonnes, ne représentait que 1.1% des volumes.

A noter, toutefois, une hausse de plus de 37% pour la Russie, en 2020 par rapport à 2019, alors que les quantités importées d’Ukraine ont chuté de 23%.

Quelles sont les matières agricoles biologiques que l’UE importe d’Ukraine ?

Comme en conventionnel, majoritairement du maïs (les céréales autres que le blé, représentent quasiment 38% des volumes ukrainiens importés), du blé (18%), du soja (13%) et environ 9% d’autres graines oléagineuses, essentiellement du tournesol.

On remarquera une chute libre, entre 2020 et 2019, des importations de maïs et de tournesol avec respectivement -44% et -33.7%.

Les tourteaux (3.4%) et huiles (2.7%) – principalement de tournesol bio – se situent un peu plus bas dans le classement.

L’Ukraine ne représentait, en 2020, que 7400 tonnes de tourteaux (de tournesol) importés par l’UE et 28 700 tonnes de graines de soja.

source: Traces – Organic import volumes from Ukraine, by product category, 2019 and 2020

Comme on l’évoquait déjà dans notre article du mois de Juillet 2021 IMPORTATIONS DE PRODUITS AGROALIMENTAIRES BIOLOGIQUES EN EUROPE EN 2020 – Redistribution de cartes, il pourrait y avoir plusieurs causes à la forte baisse des importations ukrainiennes, parmi lesquelles : une récolte 2019 qui n’a pas été optimale côté Mer Noire ; une politique d’achat offensive de la Chine pour reconstituer son cheptel porcin après l’épidémie de peste porcine africaine ; ainsi qu’une relocalisation des achats, de force ou de gré, des européens vers l’Union Européenne, pendant la crise sanitaire.

La guerre que la Russie mène actuellement à l’Ukraine ne fait que renforcer la volonté de l’Europe de tout mettre en œuvre pour atteindre la souveraineté alimentaire.

Les conditions climatiques en Europe pourraient ne pas y aider. (ESPAGNE : Une sécheresse en hiver !)

Conséquences de la guerre : mêmes problématiques en Bio qu’en conventionnel mais pas seulement

Oui mais voilà, Souveraineté alimentaire et Green Deal ne feraient pas bon ménage !

Différentes études ont été menées sur l’impact du Green Deal et de la stratégie de la Ferme à la Table : une étude de l’USDA parue en novembre 2020 ; une étude du JRC de la commission européenne « Modéliser l’ambition environnementale et climatique dans le secteur agricole à l’aide du modèle CAPRI » parue le 28/07/2021 et, plus récemment, une étude de l’université allemande de Kiel.

Les conclusions qu’elles en tirent iraient dans le sens d’une baisse de la production agricole européenne de 5 à 15% (20% pour les grandes cultures), d’une augmentation des importations hors UE et d’une augmentation des prix avec des bénéfices environnementaux quasi-inexistants !

Ainsi, l’UE revient déjà sur son objectif de diminuer de 10% les surfaces cultivées et l’on peut s’attendre encore à d’autres mesures qui iront à l’encontre de la Bio et de l’agroécologie.

A ce propos une lettre ouverte du 10 mars adressée par 26 organisations à Emmanuel Macron, Président de la République à la tête de la présidence française de l’Union européenne, et à Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture (https://www.foodwatch.org/fileadmin/-FR/Campagnes/Alimentation_et_sante/Lettre_ouverte_Ukraine_coalition_lobbys_-President_Macron_Ministre_agriculture_10_mars_2022.pdf) dénonce les positions prises pour « soit disant » éviter une crise alimentaire mondiale.

A plus court terme, bien entendu en Bio comme en conventionnel, on fait face aux mêmes problématiques de flambée des cours des céréales, de l’énergie, à la pénurie de chauffeurs, à des contrats annulés pour cause de force majeure, on en passe et des meilleures !

Mais…pour pallier le manque de matières premières, les lots encore disponibles en Bio sur le territoire européen, se voient raflés par des grands groupes du conventionnel, à des prix défiants toute concurrence.

Si ça peut permettre d’assainir les marchés un peu lourds comme celui de la meunerie biologique, cela laisse très peu d’espoirs aux acheteurs du secteur de se couvrir pour finir la campagne.

Les vendeurs vont-ils jouer le jeu de la Bio ? Honorer leurs contrats et fournir leurs clients ou vont-ils se laisser tenter par la facilité et l’appât du gain ?

Seul l’avenir nous le dira mais, à ce jeu, les gagnants d’aujourd’hui pourraient bien être aussi les perdants de demain…

Sources :

  • The World of Organic Agriculture – Statistics and Emergency Trends 2022 IFOAM FIBL

https://www.fibl.org/fileadmin/documents/shop/1344-organic-world-2022_lr.pdf

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