CRISE UKRAINIENNE – repositionnement des flux de céréales
17 mars 2022
L’interdépendance économique des pays du monde est mise en lumière dès lors que le mot « crise » apparait, et l’effet sur les marchés est immédiat, avec des compteurs qui s’affolent : le 7 Mars, le baril de pétrole de la mer du Nord frôle les 140 dollars, proche de son record de 147,50 dollars atteint en juillet 2008, le gaz européen s’enflamme de 60% à plus de 300 euros le mégawattheure, et les cours de l’or ont dépassé les 2 000 dollars l’once.
La Russie 1er exportateur de blé́ mondial répondant à environ 20% de la demande
Après l’énergie et les métaux, le marché des céréales n’est pas en reste. Les exportations combinées de la Russie et de l’Ukraine représentent un tiers des flux mondiaux de blé tendre et d’orge, de quoi enflammer des marchés déjà au plus haut : le blé (échéance Mai 2022) ce même jour en ouverture dépassait les 400 €/t, tandis que le maïs touchait les 360 €/t.
Selon France Agrimer, le conflit a des impacts directs sur l’offre et la demande mondiale en blé, maïs, orge, huile de tournesol et tourteaux (campagne en cours mais aussi semis de printemps). La Russie et l’Ukraine représentent 79 % des exportations mondiales d’huile de tournesol, 30% du blé et de l’orge, 20% du maïs. L’Ukraine est 4ème exportateur mondial de maïs (18 % part marché mondial), 5ème de blé (12 %), et 3ème d’orge. Une occupation durable de l’est de l’Ukraine par la Russie la priverait de 30 % de ses orges et 40 % de son tournesol, de son blé et de son maïs.
Les Ports de la mer Noire en question
Les Russes contrôlent l’accès à la mer d’Azov depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Les deux grands ports ukrainiens qui la bordent -Marioupol et Berdiansk- sont asphyxiés, tandis que les ports de la mer Noire (Odessa, Yuzhny, Nikolaiev, Chormomorsk, Kherson) sont approvisionnés par trains et subissent les problèmes logistiques.
De plus, les compagnies maritimes voient leurs primes d’assurance au plus haut pour charger les marchandises dans cette zone. D’après Reuters, les taux pour une période de sept jours ont augmenté entre 1% et 2% voire même jusqu’à 5%, contre 0.025% avant l’invasion, cela peut se traduire par plusieurs centaines de milliers de dollars pour un voyage.
Selon Philippe Chalmin, président de la revue Cyclope, 15 millions de tonnes de blé, et autant de maïs, seraient bloquées dans les ports de la mer Noire. Avant le conflit, l’Ukraine avait encore 6 Mt de blé à exporter sur les 23 Mt estimées pour la campagne de commercialisation 2021/22, et 18 Mt de maïs sur les 33 Mt à exporter.
Les pays du bassin méditerranéen fortement impactés
L’approvisionnement en céréales va être très compliqué notamment pour certains pays tels que l’Egypte (dépendante à 61% de la Russie et à 23% de l’Ukraine) ; la Turquie (63% des importations en provenance de Russie et 11% en provenance d’Ukraine), le Liban (51 % des importations en provenance d’Ukraine) et la Tunisie (41% des importions en provenance d’Ukraine).
Concernant les pays de l’UE, une grande part des approvisionnements en mais provient de l’Ukraine (56%), alors que la disponibilité́ en blé́ n’est pas liée au marché́ russe (moins de 0,01% des importations).
Un avenir plus qu’incertain
Le marché́ du bassin Méditerranéen aura du mal à se passer du blé́ russe et du maïs ukrainien, même si cela ouvre des opportunités aux exportations françaises en particulier pour le blé. La question de la sécurité́ alimentaire se pose déjà dans les pays les plus dépendants de l’importation pour nourrir leur population.
Le renchérissement des prix de l’énergie et des engrais sera un autre facteur à prendre en compte pour prévoir les futures récoltes. En effet, près de 40% du prix des engrais azotés reposent sur le prix du gaz et une flambée des prix incontrôlée de ces engrais pourrait grandement fléchir la volonté des agriculteurs français de produire du blé supplémentaire.
Si on ajoute les sanctions économiques, les alliances géostratégiques, et les aléas météorologiques (grave sécheresse en Amérique Latine), cette année 2022 va tester encore un peu plus notre résilience face à tous ces changements.
Sources :
France Agrimer : Eléments statistiques et points saillants sur le commerce agricole et agroalimentaire de l’Ukraine et de la Russie
Idèle : Note conjoncture Matières Premières Ifip-Idele-Itavi n°1 – le 24 février 2022
Terre-net.fr : Le rail ukrainien vient au secours des exports de céréales